Décollage de Paris, direction l'Ouzbékistan ! J'ai prévu de traverser le pays de l'ouest vers l'est, 1000km au bas mot, ou peut-être plus je ne sais pas... A vrai dire je n'ai rien planifié, j'ai juste une carte du pays sur mon téléphone et une vague idée de la direction à prendre !
Première occupation sur place : changer des euros en soms (la monnaie locale, 1€ = 6500 soms). L'Ouzbékistan n'a pas de grosse coupure, je me retrouve donc avec une jolie petite liasse de billets et l'impression d'être millionnaire (il n'y a que 15€ dans la photo de gauche) !
C'est donc bien lesté que je commence ma première visite touristique : Khiva, vieille ville médiévale connue pour son minaret à moitié fini (2ème image, c'était censé être le minaret le plus grand du monde). Jolie ville mais malheureusement un peu artificielle : tout a été remis à neuf il y a quelques années, ça fait presque "toc". Ceci dit il faut quand même reconnaître que la ville possède une architecture admirable, notamment grâce à ses colonnes en bois finement sculpté et à ses superbes carrelages. Il fait très chaud, bien 36° dehors, mais tous les bâtiments sont construits de manière à donner une impression de fraicheur. Schéma classique de la visite : contemplation d'une mosquée, d'une médersa ou d'un minaret au frais, sortie dans la fournaise, *vite vite* je longe les murs à l'ombre jusqu'au bâtiment suivant, *haaaaaa* un peu de fraîcheur. Il va falloir prévoir les litres d'eau pour la suite du voyage en vélo !
Pour la petite anecdote la ville est également le berceau de Monsieur Al-Kwharismi, l'homme qui a popularisé la notation en chiffres arabes (donc chiffres ouzbèques !), et dont le nom est à l'origine du mot "algorithme" (rien que ça). Bref, dans les années +800 la fine fleur intellectuelle était ouzbèque !
Qui l'eut cru, les ouzbèques sont aussi fan de selfies ! A noter également la tenue écolière plutôt sexy pour un pays musulman (mais j'y reviendrai) :) Le balayage semble également être un sport national... tout le monde balaye partout, j'ai même vu des gens balayer le désert...
Je sors un peu de la vieille ville pour me balader dans les environs et visiter les marchés locaux. *Mip* *mip* circulation bordélique, foule dans le marché, un peu d'action ! Les gens sont tous souriants et accueillants, ça augure du bon pour la suite du voyage.
En route ! Première journée assez courte, 80km dans la campagne ouzbèque. Premier petit "choc" culturel : très très peu de trafic routier, des vieilles Lada, des gens sur des ânes, ... Bref l'impression d'avoir fait un petit bon dans le passé.
L'Ouzbékistan a fêté ses 25 ans l'année dernière, et il y a des panneaux à la gloire du pays un peu partout. "Regardez tout le chemin parcouru en si peu d'années" ! Sur la plupart des panneaux une mère comblée porte son chérubin joufflu devant une abondance de fruits et de légumes. Un père surveille parfois la scène d'un œil sévère -- mais bienveillant -- lui aussi comblé par le bonheur familial. Parfois un fermier pose fièrement devant une profusion de légumes frais. Bref, la vie est belle en Ouzbékistan !
Roule, roule, roule... Pas grand-chose à voir, mais il y a des vendeurs de fruits un peu partout. Résultat je me gave de melons (excellents), de pastèques, de raisins, de pommes, ... Pas besoin de planifier les courses, il y a tout ce qu'il faut sur le chemin !
Pour ce voyage, j'avais prévu de ne jamais suivre les panneaux indicateurs. Objectif : aller dans les petites villes où personne ne va jamais. J'arrive donc tranquillement à mon objectif du jour : Pitnak, une ville où personne n'a de raison de s'arrêter mais qui a pourtant un hôtel. Panique à la réception : un touriste ! Mais c'est que personne ne parle anglais ou français... Vite, on se débrouille pour me trouver un érudit local dans le village pour faciliter mon installation ! Fichtre, je n'en demandais pas tant. Je profite de cette opportunité pour poser quelques questions sur le pays et la région (pas facile sinon, les gens ne parlent qu'ouzbek et russe). "Et sinon, il y a des choses à voir près d'ici ? - Non, absolument rien. - Ha... Et du coup vous avez quand même des touristes ? - *Vérifie dans le registre de l'hôtel* Non, vous êtes le premier." Ceci explique cela :) En fait l'hôtel a été construit pour accueillir des businessmen qui travaillent en relation avec l'usine de voitures de la ville, mais bon au moins l'objectif de s'arrêter dans des coins paumés est déjà rempli !
Je tue donc l'après-midi en parcourant la ville. Je remarque que malgré ses apparences "coincé dans le passé", le pays n'est pas du tout fermé au monde extérieur, en témoigne les écoles décorées avec des Donald et des Mickey.
Impression qui sera immédiatement confirmée après avoir rencontré les habitants de la ville. Un touriste ! Fichtre ! Vite, tout le monde sort son smartphone et c'est parti pour la séance de photos ! Personne ne parle anglais, mais heureusement les smartphones sont là pour aider à la communication (dictionnaire + 3 mots d'ouzbek-anglais, on y arrive). Plein de questions sur ma famille, ce que je fais, etc... mais aussi quelques questions plus inattendues de la part des plus jeunes : "est-ce que toi aussi tu joues à Clash of Clans ?" (le jeu le plus populaire sur Android).
Bref, contraste intéressant dans ce pays entre les adultes qui semblent parfois totalement bloqués dans le passé au volant de leur Lada avec leur costume traditionnel et les plus jeunes qui partagent exactement les mêmes références que moi. (Mais finalement, n'est-ce pas un peu pareil en France ?)
Au final je passe donc l'après-midi en très bonne compagnie ! Tout le monde est super content que je sois là, on m'invite partout. Au top ce début de voyage !
Mais tout ça n'était qu'un avant-goût de l'Ouzbékistan ! Un des objectifs du voyage était de traverser le désert du Kyzylkoum, grande étendue de rien qui occupe tout l'Est du pays. 350km de route toute droite dans le désert, c'est bien ?
La réponse est étonnamment oui. Route plate en bon état, paysage qui défile à l'infini, pas un bruit, tout ça est assez zen. Bref, expérience très plaisante. Je m'arrête périodiquement pour prendre quelques photos, j'ai donc la même photo en 70 exemplaires.
Force est d'admettre qu'en photo depuis la route ça ne rend pas grand-chose, il faut prendre un peu de hauteur pour se rendre compte du gigantisme de ce désert. (Heureusement j'avais mon drone pour ça !)
J'avale 150km le premier jour malgré l'heure et demie passée dans une maison de thé en compagnie d'ouzbek joviaux. On m'a systématiquement offert à manger, souvent trop d'ailleurs... Les Ouzbeks mangent beaucoup dans le désert ! La vodka est évidemment de la partie (note mentale après avoir vu mes hôtes du jour s'enfiler 0.5L de vodka chacun à midi : les routes sont potentiellement moins sures l'après-midi). Gens super cools, mais personne ne comprend que je ne carbure pas à la vodka, c'est pourtant évident "vodka *boum boum* <se frappe le ventre> *pfiouuuuuuu* <mime un vélo qui file à toute vitesse>" la vodka donne des forces ! (Facile la communication en langage des signes !)
Plus la journée avance plus mon vélo se charge de boissons, de fruits, et autres denrées comestibles (3ème image, mon drone écrasé sous un melon...). Ai-je déjà dit que les ouzbeks sont accueillants et sympathiques ? Les voitures me dépassent, un petit coup de klaxon d'encouragement, un signe par la fenêtre, une pomme, un coing, une bouteille d'eau, ... A la fin de la journée je croule sous les cadeaux !
16h, presque 40° selon ma montre (à l'ombre de ma sacoche). Bon, il est tout de même temps de s'arrêter. Je rêve d'un hôtel avec piscine... L'autoroute est en reconstruction, je m'arrête donc discuter avec le chef de chantier (un mélange d'anglais, d'ouzbek et d'allemand, on se comprend). Il n'y a pas de place chez lui, ils sont 10 ouvriers entassés dans une pièce... Il regrette de ne pas pouvoir m'inviter, mais "t'inquiètes on va trouver un truc derrière la maison de thé". Une table qui fera office de lit et, surprise : une piscine ! (Mais l'eau est marron, je ne tenterai pas...) Je reste toute l'après-midi en bonne compagnie, on discute un peu de tout et de rien, mais surtout politique et argent... Tout le monde semble adorer l'ancien président-dictateur. "Les gens ici gagnent bien leur vie, 2$/j grâce au bon Karimov. Et toi tu gagnes combien ?" Petit blanc... J'annonce mon salaire Suisse. Ha. Merci Kapitalism ?
Mais bon ces différences de niveau de vie ne choquent finalement pas tellement (ils savent que les salaires sont élevés en Europe) et surtout ne créent pas de jalousie. Tout le monde semble heureux et satisfait de ce qu'il a.
Evidemment quelques séances photos au milieu de nulle part. (Ici un vieux russe imbibé de vodka et les cuisinières des hommes qui reconstruisent l'autoroute.)
Après cette traversée du désert ma foi plutôt agréable, retour dans la grande ville ! Boukhara, grand carrefour de la route de la soie. Encore une fois le vieux centre semble un peu artificiel : trop neuf, trop propre (non pas que le reste du pays soit sale, mais ici une armée de balayeurs est embauchée pour ramasser les moindres feuilles tombées sur le sol). Pas mal de touristes, tous avec leur guide. Le tourisme en Ouzbékistan est principalement constitué de personnes âgées qui visitent uniquement 4 villes du pays ; je n'ai croisé personne en dehors de ces "carrefours touristiques"...
Bon, c'est joli, mais j'ai assez vite fait le tour de la ville. Etonnamment beaucoup de gens parlent français. Il semblerait que le pays attire principalement nos retraités : 60% des touristes m'a-t-on dit, je n'ai pas été vérifier, le reste étant un mélange d'Allemands, de Russes et de Coréens. Je discute avec les vendeurs de tapis en soie qui m'annoncent des prix totalement délirants... "Mais il faut négocier, on est des vendeurs de tapis après tout" -- en français dans le texte ! Ceci dit, vu la taille de certains tapis, les prix sont probablement de toute façon élevés... (Et je n'ai pas la place sur mon vélo !)
Bref, après ce petit interlude "culturel", je me balade à nouveau dans les parcs et les marchés de la ville (1ère image, meilleure contrefaçon trouvée sur le marché, regardez le logo !).
Petite parenthèse hétéroclite sur les "spécialités ouzbèques" : le pain, vraiment excellent (une belle croute dorée et légèrement salée) -- j'ai fait une grande partie du voyage en ne mangeant que ça -- et le papier toilette, rugueux à souhait (papier recyclé semble-t-il, je suis sûr que les bobos écolos adoreraient). Egalement des petites boules de chèvre sec qui sont vendues dans les supérettes comme des bonbons (pas mauvais du tout).
J'ai fait le tour de Boukhara, et le désert me manque... C'est décidé, départ aux aurores, direction les dunes de sable ! Avant que le désert ne reprenne ses droits j'en profite pour m'incruster dans un champ de coton pour discuter avec les travailleurs -- communication limitée mais je voulais faire quelques plans de survol en drone :)
Roule, roule... Comme souvent en Ouzbékistan les restaurants sur la route affichent une liste mirifique de délices alléchantes... qui ne sont pas servies ! Je fais la liste des plats que je connais ou je pointe sur l'affiche. Riz ? Niet. Langman ? Niet. Samosa ? Niet... Soupe ? Ha ! Soup'. Da. Bon, je rigole, mais globalement la nourriture était tout de même très bonne. Au pire il y a de toute façon toujours du pain, souvent à peine sorti du four. Miam.
Avant le désert je passe une nuit à Navoy dans un hôtel très classe (15€, une ruine). La réceptionniste russe m'accueille avec son décolleté plongeant un grand sourire. Elle adôôôre l'anglais et n'a jamais l'occasion de le parler. Il n'y a rien à faire à Navoy, je passe donc l'après-midi dans l'hôtel. Sauna, piscine (à -50000°, normal après le sauna), massage...
Car oui, après avoir dédaigné les massages en Indonésie (trop mainstream ;) ), je dois bien avouer que la proposition d'un "russian massage" a piqué ma curiosité. On connaît tous les massages Feng-shui, mais un "russian massage", qu'est-ce ? Et puis vu le prix (2.5€) il fallait tenter !
Sacrée expérience ! Je me présente devant la masseuse. Elle pointe un doigt vers mon maillot de bain et me dit simplement "off". C'est vrai après tout, pourquoi s'embarrasser des convenances ? Devant mon air surpris elle m'indique une mini-serviette à enrouler autour de la taille ; ha ok, oui, ça semble mieux comme ça...
Le massage commence. *Crac* La masseuse s'arc-boute. *Crac* Les muscles doivent être malaxés -- jusqu'à l'os. D'ailleurs, est-ce vraiment une masseuse que j'ai sur le dos ou un 35 tonnes ? *Crac* Quelle énergie, la furie probablement habituée aux massages de poussah sibériens ne doit pas se rendre compte qu'elle manipule, tourne, retourne et pétrit un européen de 70kg de moins que ses clients habituels. Les mains se referment, de vraies tenailles. Je me mets à songer à Flaubert, sa description des mains de Catherine Leroux "deux longues mains, à articulations noueuses. La poussière des granges, la potasse des lessives et le suint des laines les avaient si bien encroûtées, éraillées, durcies [...]". Il y a des situations qui rendent poète...
Après 30 minutes de malaxage, le massage prend fin sur un frictionnage d'occiput qui ferait passer ceux de ma grand-mère pour de douces caresses (les initiés comprendront). "In russia vi like strong massag'." Ha bon, tout était normal alors... Etonnamment je suis plutôt en forme après cette expérience. A croire qu'il fallait bien ça pour se remettre des routes cahoteuses et des longues distances effectuées les jours précédents.
L'Ouzbékistan est plat. Depuis Khiva j'ai fait 550km et... 200m de dénivelé ! Il est grand temps de changer tout ça ! Direction le plus haut col ouzbèque du coin qui culmine à 1400m dans le désert (+1100m de dénivelé). 110km de route, je ne suis pas mécontent d'arriver au sommet. Sur place je demande s'il est possible de dormir dans le coin. Pas de problème, on m'invite directement ! J'arrive chez un professeur à la retraite qui ne parle pas un mot d'anglais ou de français... mais qui a chez lui toute une panoplie de livres scolaires pour apprendre ces langues ! En montrant les images et les textes on arrive à communiquer, enfin, presque... Mon travail ? Je regarde dans la section correspondante "mon père est cordonnier"... Oui, tout ça est un peu dépassé :)
Première nuit chez l'habitant en Ouzbékistan, belle expérience. Repas plantureux, vodka illimitée ("pourquoi tu ne bois pas, j'ai 75 ans ça conserve"). Vu les températures à l'extérieur (en dessous de zéro la nuit semble-t-il) je suis bien content de ne pas avoir eu à sortir ma tente.
On est le 1er Octobre, "fête des professeurs" en Ouzbékistan. Une bonne raison d'ouvrir une deuxième bouteille de vodka ! Mes hôtes finissent la soirée un peu entamés, mais les Ouzbeks ont l'alcool joyeux donc pas de problème !
Il faut savoir qu'en Ouzbékistan les autorités n'aiment pas trop que les touristes dorment chez l'habitant. En pratique il est obligatoire de dormir dans un hôtel au moins une fois toutes les 72h (et d'avoir un petit papier dûment tamponné attestant la présence dans l'hôtel). Bref, même si ces montagnes sont accueillantes je ne peux pas y rester indéfinimment (pas d'hôtel). Retour vers les grandes villes donc... Enfin, grandes... Il n'y a aucune ville de plus de 5000 habitants à moins de 200km... Je regarde sur ma carte "bon là il doit y avoir un hôtel, allons voir". 80km dans le désert, et une invitation dans un mariage plus tard, j'arrive à bon port. Pas d'hôtel. Mais on m'indique qu'il y en a un 30km plus loin dans la ville suivante. Roule, roule... Damned, pas d'hôtel dans la ville ! ... mais pas de problème il y en a un 30 km plus loin dans la ville suivante ! N'ai-je pas déjà entendu ça quelque part ? J'espère que c'est vrai cette fois, surtout que le vent se lève (35km/h) et que je pédale contre...
Evidemment après ces 30km supplémentaires (+60km au total !), toujours pas d'hôtel ! Il commence à faire nuit et je n'ai pas envie de dormir dehors, je demande donc à droite à gauche si il n'y a pas quand même un endroit où dormir dans la ville (on ne sait jamais). Soudain une voix : "do you speak english ?". Qu'entends-je ? Un homme qui parle vraiment anglais au milieu de l'Ouzbékistan ? Et oui, à force de tourner au milieu du village je suis tombé sur LE professeur d'anglais qui m'invite en plus !
On arrive donc chez les parents de sa femme. Repas plantureux, vodka illimitée (bis repetita). En Ouzbékistan lorsqu'il y a un invité le repas se fait entre hommes (c'était le cas la veille aussi), les discussions sont donc assez ouvertes... Première question : "c'est vrai qu'il y a le mariage gay en France ? C'est mal non ?". Sacrée entrée en matière, me voici donc en train de défendre le mariage pour tous au milieu de l'Ouzbékistan ! Je lui demande pourquoi il trouve que ça n'est pas bien et, grosso modo, la réponse se résume en : "mais l'islam dit que c'est mal"... dit le professeur en finissant sa tasse de vodka. Je rigole en lui disant que l'islam-vodka c'est aussi un sacré concept !
L'heure tourne, la vodka coule à flot, les langues se délient. Il m'explique ses premières expériences amoureuses au lycée... Impossible d'avoir des relations normales avec les filles (la virginité c'est sacré), donc il fallait passer par "anal sex"... Haha, l'Ouzbékistan, ou comment trouver toutes les failles de l'islam ! Il est un peu frustré parce que sa femme ne pratique pas la fellation, il me demande donc conseil, me voilà donc promu expert sexologie (on ne rigole pas au fond). Il est vrai qu'il a une vision assez fantasmée de la sexualité occidentale... (Mais bon, les femmes ouzbèques sont assez oies blanches de ce que j'ai pu comprendre...)
Bref, conversations qu'on ne peut avoir qu'après quelques shots de vodka avec un étranger rencontré par hasard et qui habite à 6000km de chez soi... Il semblerait que ce genre de questions soit assez courant dans les pays musulmans où les fantasmes sont attisés tout en étant réprimés... La censure sur Internet à moitié fonctionnelle n'aide pas non plus en laissant passer juste ce qu'il faut pour exciter les pulsions, mais pas assez pour réellement voir la réalité des choses...
(Aucun rapport : 4ème photo : du tabac à chiquer. Apparemment ça remplace le brossage de dent avant de se coucher...)
Le lendemain matin je suis invité dans le lycée du village. "Les enfants ne voient jamais d'occidentaux ici, ils vont être super contents !" Mais avant on passe chez le professeur d'anglais pour faire quelques photos "corporate" de ses cours privés (il arrondit ses fins de mois comme ça). Apparemment un occidental sur une photo ça booste les ventes !
Je lui ai dit que je faisais de la recherche en informatique, donc il m'emmène directement dans le cours d'informatique du lycée. Encore une belle expérience ! Les élèves ne parlent pas vraiment anglais, donc je suis accompagné par deux professeurs d'anglais : mon hôte de la veille qui parle un anglais basique et une autre professeur qui ne parle en réalité pas un mot d'anglais... ça explique sans doute le niveau d'anglais de la population...
Les élèves sont un peu timides au début, et commencent par poser des questions liées à l'informatique. Les profs d'anglais qui m'accompagnent sont totalement largués, heureusement les termes sont les mêmes dans toutes les langues... pas besoin de traducteur ! Moment un peu surréaliste, "tu peux m'expliquer ce qu'est une attaque DDoS ?" Me voilà donc au milieu de l'Ouzbékistan à parler technique avec des lycéens... (Si vous ne comprenez pas la question ça veut dire que les lycéens ouzbeks sont plus calés que vous en informatique ;) ).
Questions plus classiques ensuite sur la famille, le travail, ... Je leur donne mon salaire, ils veulent tous émigrer en Suisse.
On m'emmène ensuite visiter le reste du lycée (comme en France sauf qu'ils ont un cours de couture en plus) et la nouvelle école primaire-collège (de 7 à 16 ans). Contrairement au lycée, ici tout le monde est en uniforme : pantalon-chemise classique pour les garçons et costume un peu plus original pour les filles ! Je m'incruste dans un cours d'Anglais, et on discute un peu de tout et de rien avec les élèves. Bref, beau début de journée !
Après avoir passé une matinée assez intense avec les élèves ouzbèques je me remets en route tant bien que mal vers la 3ème ville touristique de mon voyage : Samarcande. J'arrive un peu par hasard dans un B&B plein de vélos. Il s'avère qu'un groupe de cyclistes coréens qui fait la route de la soie dans l'autre sens s'est arrêté au même endroit. C'est l'occasion de partager quelques infos utiles (malheureusement ils semblent privilégier les routes directes alors qu'au contraire je zigzague hors des sentiers battus).
Sinon, que dire de Samarcande ? C'est probablement la seule ville touristique que j'ai vraiment aimée en Ouzbékistan. Encore une fois tout est flambant neuf, mais la taille des monuments est difficile à retranscrire en photos. Mosquées et écoles coraniques géantes, tombeaux colossaux et superbement décorés, il y a plein de choses à voir !
Avant reconstruction / maintenant (c'est plus neuf mais ça manque de vie ; les quelques touristes sur la photos donnent une petite idée de l'échelle) :
Autre différence : les monuments sont un peu dispersés dans la ville, ça évite donc l'impression de "piège à touriste" que j'avais eue dans les villes précédentes.
Armée de balayeuses ! Autre spécificité étonnante de l'Ouzbékistan : les balayeuses sont en tenue de ville tout à fait normale. Certaines balaient même en mocassin avec un sac à main...
Il me reste 5 jours pour arriver à la capitale de l'Ouzbékistan, Tashkent, fin de mon voyage. 5 jours pour 250km c'est large ! Que faire de tout ce temps ? Faire un détour par le désert bien sûr ! Retour dans les montagnes ouzbèques via des routes encore plus paumées qu'avant. L'objectif, aller jusqu'au Lac Aydar, immense étendue d'eau salée au Nord-Ouest du pays (250km sur 15km).
Trajet typique en Ouzbékistan : rien pendant 30km puis une petite ville avec des étudiants en uniforme qui marchent au bord de la route. Une femme qui marche en tailleur au milieu du désert ça surprend à chaque fois.
Premier jour "tranquille" un petit 150km et un peu de dénivelé. Je traverse quelques micro-villages, les gens sont surpris de me voir débarquer. Au choix, soit on veut s'assurer que je ne suis pas perdu ("karta ? navigator ?"), soit on m'offre des fruits (mais bon malheureusemt mon estomac a fait une overdose de pastèque, j'essaie d'éviter pendant quelques jours !) ; deux retraités insisteront même pour me payer mes courses lors d'un bref arrêt chez un marchand de biscuits ! Et bien, l'hospitalité ouzbèque me surprendra toujours !
Mais bon ce soir j'ai envie d'un peu de solitude, et aussi de voir ce que ça fait de camper dans le désert... Je m'arrête donc aux abords d'une route et tente de trouver un endroit sympathique pour planter ma tente.
Un petit 10° dans ma tente, pas de problème : duvet +15° et un pull, je dors comme un loir. Le lendemain grand départ vers le lac. Il me reste juste un litre d'eau mais bon, ça devrait se faire ! Au final mon estimation à l'arrache sur la carte et l'état des routes rendent le trajet un peu plus long que prévu ! 4h pour 50km aller-retour au lieu des 2h pour 30km prévus... Et en sus de ça le point de vue que j'avais repéré sur ma carte est une zone militaire ! Forcément, le seul point un peu surélevé du désert, à proximité du Kazakhstan, il fallait s'y attendre... (Après m'avoir demandé mon passeport on m'a laissé entrer quand même : j'ai joué au touriste naïf !) Est-ce que ça valait vraiment l'effort pour ces deux photos par contre, je ne sais pas...
Après ces 2 jours de détour, il est temps de repartir vers Tashkent (règle des 72h oblige). Les abords de la capitale sont densément peuplés et les gens sont plus riches, résultat : plus de voitures et beaucoup beaucoup plus de pollution ! A 50km de la capitale je n'en peux plus : trop de gaz d'échappement. J'arrête là, la toute fin du trajet se fera en taxi ! (4€)
Fin du voyage à Tashkent donc. Je visite les grands monuments massifs de la ville, rien de très intéressant, le président-dictateur Karimov avait une folie des grandeurs et des goûts staliniens... L'organisation de la ville est par contre assez étonnante : des immenses avenues parfois bouchonnées et irrespirables, parfois totalement vides qui encadrent des blocs résidentiels. La ville donne un peu l'impression d'avoir été construite par un fana de Sim City un peu fou, sans grande cohérence ou plan d'urbanisme.
Plus intéressant, une ancienne école coranique qui abrite la plus vieille copie connue du Coran ("no photo no photo", il faudra aller voir sur Wikipedia). Je ne savais pas que les premiers corans étaient aussi volumineux et écrits aussi gros (équivalent d'une police 250 aujourd'hui).
Sinon, que dire de Tashkent ? Il fut une époque où la ville avait une réputation sulfureuse (centre de la prostitution d'Asie centrale), mais tout cela semble bien fini : Karimov a rétabli l'ordre dans sa capitale. Actuellement c'est donc une ville plutôt calme bien que très polluée, et très occidentalisée. Au premier coup d'œil il serait difficile de situer la ville en Ouzbekistan : mêmes magasins qu'en Europe, mêmes habits, il y a même des panneaux publicitaires JCDecaux !
Comme à mon habitude dans les villes, je finis ce voyage dans les marchés locaux et dans les parcs : un peu de repos et de bouquinage bien mérité après 1400 kilomètres à vélo !
L'Ouzbékistan, c'est le moment d'y aller !
Contraste entre adultes bloqués dans le passé et jeunesse mondialisée, hospitalité incomparable dans les campagnes, aucun touriste en dehors des routes classiques et quelques beaux monuments qui rappellent le rôle du pays dans l'histoire de la route de la soie. Bref, un accueil exceptionnel de la part des ouzbèques et un peu de culture en sus, que demander de plus ?
Je suis également très content d'avoir choisi de partir 17j (vs les 12-14j habituels), ce qui m'a laissé un peu plus de temps pour vadrouiller dans les coins perdus sans avoir à me soucier des kilomètres restants jusqu'à ma destination finale. Le choix du vélo est également parfait dans ce pays : c'est plat, il y a des supérettes régulièrement et ouvertes tout le temps, et les ouzbèques comprennent la démarche (on ne m'a jamais demandé pourquoi je ne voyageais pas en taxi - après tout j'aurais l'argent pour). Résultat : voyage facile et gens ravis de voir un touriste débarquer en vélo dans leur village. Bref, je recommande !
En guise de conclusion finale, un peu de drone sur de la musique ouzbèque...